La perspective de la suspension effective de la réforme des retraites m’invite à renoncer temporairement à la censure

Après une longue période de réflexion, et comme je l’ai fait pour chaque décision importante prise en tant que Député de la 1ère circonscription de la Loire, je vous fais part en toute sincérité des raisons pour lesquelles j’ai décidé ce matin de ne pas voter la censure, avec l’humilité d’un élu ce jour davantage en proie au doute que pétri de certitudes.

Comme j’ai déjà pu l’exprimer, je pense qu’il y avait aujourd’hui un choix à faire entre deux mauvaises options. J’ai pris celle que j’estime être à ce stade-là moins pire.

Censurer un gouvernement qui apparaît comme le prolongateur des politiques que je combats avec vigueur depuis des années, ou lui laisser quelque temps d’existence supplémentaire pour tenter d’obtenir des victoires majeures pour nos concitoyens et un peu de répit pour le pays ?

Cette décision a été terriblement difficile à prendre ; je vais faire des satisfaits, des insatisfaits, des circonspects et des indifférents. Des déçus aussi, et sans doute susciter la colère de certains. 

La censure interviendra quoi qu’il en soit si les macronistes ne tiennent pas leurs engagements récents et si la copie odieuse du budget qu’ils ont déposé n’est pas profondément remaniée. La censure reste une option de chaque instant.

La période qui s’ouvre, avec son lot d’incertitudes, doit être celle d’une tentative de reparlementarisation profonde de la Ve République où, pour la première fois je l’espère, sans 49.3, le Gouvernement est à la merci du Parlement et de ses équilibres, et non l’inverse.

La suspension de la réforme des retraites, une victoire loin d’être anodine

L’annonce par le Premier Ministre de la suspension de la réforme des retraites (sur les deux paramètres, âge légal et durée de cotisation), est une victoire politique majeure. Il ne faut pas en minorer la portée symbolique et je pense aujourd’hui aux dizaines de milliers d’habitantes et d’habitants de notre circonscription qui ont battu le pavé et accumulé des jours de grève pendant des semaines en 2023. Je pense aussi à ces générations de travailleurs des entreprises et des services publics de notre territoire, qui pourront peut-être partir, grâce à mon choix de ce jour, plus tôt à la retraite. Ce n’est pas rien. « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », comme on dit chez nous. 

Précisons toutefois que cette suspension ne vaudrait à ce stade que jusqu’en 2028, mais notre objectif est bien de remporter l’élection présidentielle et les élections législatives pour régler la chose. Je demeure, vous le savez, profondément attaché à la perspective d’une abrogation totale de la loi Borne de 2023. Je considère cette suspension comme une simple étape préliminaire.

Néanmoins, il ne s’agit à ce stade que d’une annonce et non d’une réalisation. Le « véhicule législatif » proposé pour rendre effective cette suspension, à savoir, pour le dire simplement, un amendement au budget de la Sécurité sociale, m’inquiète fortement. En effet, en l’état, la concrétisation de la suspension de la réforme des retraites, suppose l’adoption de ce budget.

Pour ma part, et comme j’ai pu le dire aux responsables politiques de mon groupe et de mon Parti, en aucun cas je n’accepterai de ne pas m’opposer à un budget de la Sécurité sociale austéritaire, si celui-ci comporte au bout du chemin parlementaire les horreurs qu’il contient au début, pour faire adopter la suspension. C’est inenvisageable et alors, la censure interviendra. Je pense que c’est d’ailleurs inéluctable et que le Gouvernement Lecornu 2 tombera d’ici quelques semaines ou quelques mois.

Le budget présenté est profondément injuste et inacceptable

Nombreux sont ceux qui légitimement me disent : « mais comment accepter que les macronistes qui ont fait tant de mal au pays depuis 8 ans restent encore au pouvoir ? ». Je les comprends tellement. Le budget qui a été révélé cette semaine est un condensé de leurs horreurs : faiblesse sur la taxation des ultra riches, mesures anti sociales avec le gel des prestations et des pensions, fin de l’abattement fiscal pour les retraités, restriction des APL, doublement des franchises médicales, fiscalisation des indemnités pour les personnes atteintes de cancer, année blanche qui pénalisera d’abord les travailleurs les moins aisés… 

Pour autant, ce budget n’est à cet instant qu’une copie inacceptable et non le budget final, corrigé et remodelé par le débat parlementaire. Si ces mesures inacceptables y demeurent toujours à la fin, il est évident que le Gouvernement ne pourra qu’être censuré et donc que ce budget n’existera pas en définitive. Les macronistes sont désormais bien seuls.

La censure, une tentation forte, mais pour aller où ?

Pour autant, il était très tentant de censurer quand même ce Gouvernement dès maintenant. La censure m’a démangé. Élu contre le macronisme dans le cadre du NFP, je n’ai aucune envie de les voir gouverner un jour de plus. 

La conséquence d’une censure, qui aurait fait tomber le Gouvernement, mènerait sans doute à une dissolution. Je n’ai pas peur, à titre personnel, de nouvelles élections, mais de l’arrivée du RN au pouvoir, et a minima de son renforcement. « En même temps », le déploiement des politiques macronistes en est, et j’en suis terriblement conscient, le meilleur des carburants. 

Arracher des victoires plutôt que de rester dans l’incantation 

La non-censure de ce jour est une menace, une épée de Damoclès pesant en permanence sur le destin du Gouvernement et, par voie de conséquence, sur les parlementaires macronistes eux-mêmes. Ils devront donc accepter plus de justice fiscale, sociale et écologique. Ou renoncer à tout. Ils ont leur destin entre leurs mains, contraints désormais d’accepter d’endosser non plus ce qu’Emmanuel Macron leur ordonne, mais ce que la gauche défend. 

Si les macronistes venaient finalement à refuser cette logique nouvelle, alors je n’aurai aucun état d’âme à censurer. Le Gouvernement tomberait et, ensuite, nous repartirions devant les électeurs avec comme bilan celui d’avoir essayé de faire vivre dans l’espace public les propositions de la gauche, sans renoncer à les faire advenir ici et maintenant.

 

Revue de presse : 

Pierrick Courbon (PS) : « Les décisions que nous allons prendre posent des cas de conscience à chaque minute »

Pierrick Courbon est l’un des huit députés à avoir censuré François Bayrou contre la position de son groupe, il y a neuf mois. Il aborde la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu avec la même défiance, « pris en étau » entre ses convictions et le risque de dissolution de l’Assemblée.

Le PS toujours plus hésitant sur la censure du nouveau gouvernement Lecornu

A la surprise de ses opposants internes et à rebours de l’avis de ses troupes au sein de l’appareil, Olivier Faure s’active pour éviter la censure sous réserve que le premier ministre s’engage à une suspension de la réforme des retraites et à l’abandon du 49.3.

Discours de Sébastien Lecornu : comment échapper à la censure ?

Sébastien Lecornu fera sa déclaration de politique générale à 15 h à l'Assemblée nationale. Un discours clé qui détaillera l'avenir de la réforme des retraites. Deux motions de censure ont déjà été déposées.

Déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu : ce qu’il faut retenir

C’est fait, Sébastien Lecornu a passé l’épreuve de la déclaration de politique générale. Le Premier ministre s’est-il acheté la paix pour au moins quelques semaines ? La réponse ne sera connue que jeudi matin, lors de l’examen des motions de censure respectives de La France insoumise et du Rassemblement national.

Motions de censure : ce que comptent voter les députés de la Loire

Les six élus ligériens au Palais Bourbon réagissent à la suspension de la réforme des retraites. Surtout, la question se pose de savoir s’ils voteront ce jeudi une des deux motions de censure déposées contre le gouvernement.

Les vingt-quatre heures tourmentées du PS avant sa non-censure

L’annonce de la non-censure du gouvernement par le groupe socialiste a créé une scission à gauche, mais aussi des remous en interne dans le parti. Coups de fil, échanges tendus, cas de conscience et interpellations sur les réseaux sociaux : tout a été fait pour convaincre les députés PS de désobéir.

Motion de censure contre Lecornu : ces députés sans consigne ou rebelles peuvent-ils changer la donne ?

Sébastien Lecornu a réussi à amadouer les socialistes, au moins le temps de lancer les débats budgétaires. Mais plusieurs électrons libres pourraient compliquer l’équation.

Dissidence Outre-mer : Sébastien Lecornu «a donné des gages» dans un courrier aux députés socialistes ultramarins

Pour tenter de les dissuader de vote la censure ce jeudi 16 octobre, le Premier ministre a promis aux cinq élus PS de La Réunion, de Martinique et de Guadeloupe qu’ils seront reçus «dans les prochains jours» par les ministres concernés. En vain, pour quatre d’entre eux.

« Les socialistes n’ont pas vocation à devenir la béquille d’un macronisme finissant » : quand les députés PS se déchirent sur la censure du gouvernement de Sébastien Lecornu

Si le PS a annoncé qu’il ne voterait pas la censure, jeudi 16 octobre, certains de ses députés pourraient suivre le reste de la gauche, vent debout contre le budget concocté par le gouvernement. Des voix dissonantes se font aussi entendre à LR et à Liot, créant une légère incertitude autour du scrutin.

Motions de censure : une seule des six députés de la Loire a voté pour

Sur les six élus du département, seule Andrée Taurinya, du groupe LFI, a approuvé la motion de censure visant le gouvernement Lecornu ce jeudi.

Lecornu face aux motions de censure - gouvernement fragilisé

Deux motions de censure seront débattues jeudi matin contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, fraîchement installé. La France insoumise et le Rassemblement national portent ces textes qui devraient être rejetés faute du soutien du Parti socialiste.

Lecornu face à l’épreuve du feu parlementaire

À peine nommé, le nouveau Premier ministre affronte jeudi un double vote de défiance, dans un contexte politique particulièrement tendu.

À peine installé, Sébastien Lecornu affronte deux motions de censure

Deux motions de censure seront débattues jeudi à l’Assemblée nationale. Le Parti socialiste, satisfait de la suspension de la réforme des retraites, refuse de les soutenir.

Partager cet article