Ce mercredi 23 octobre, j’ai interrogé, en Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation, Monsieur Patrick Hetzel, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour sa première audition par l’Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.
Au nom du groupe “Socialistes et Apparentés”, j’ai dénoncé les crédits prévus au titre de la mission Enseignement supérieur, Vie étudiante et Recherche, et annoncé notre intention de ne pas les voter, et ce pour plusieurs raisons :
– Les crédits alloués à la Recherche sont en nette rupture avec la trajectoire inscrite dans la loi de programmation pour la Recherche (LPR). En l’état actuel, la LPR serait ainsi la seule loi de programmation qui ne serait pas respectée.
– Concernant l’Enseignement supérieur et la vie étudiante, les crédits sont largement en deçà des besoins. Alors, qu’une majorité d’universités est déjà en situation de déficit (voir mon échange avec le DGESIP, Olivier Ginez), entre les gels de crédits décidés en 2024 et les augmentations de charges, non compensées, à hauteur de 500 millions d’euros au budget 2025, la situation, déjà alarmante, deviendrait intenable pour les établissements.
– En matière de Vie étudiante, ne sont pris en compte ni l’inflation, ni l’augmentation de la population étudiante qui dépassera les 3 millions à la rentrée 2025, ni le diagnostic concernant la situation de nos étudiants, pourtant largement connu. Que ce soit en termes d’accès au logement, d’accès à une alimentation de qualité ou d’accès au soin physique et mentale, la précarisation de la population étudiante continue année après année.
Avec mes collègues députés du groupe Socialistes et apparentés, nous ferons des contre-propositions à travers de nombreux amendements sur ces trois volets. Nous nous opposerons notamment à toute proposition de hausse des frais d’inscription, véritable ligne rouge pour notre Groupe.
Verbatim de mon intervention :
Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Mesdames et Monsieur les rapporteurs,
Il n’est pas simple de ramasser en trois minutes seulement la position du Groupe des députés Socialistes et Apparentés sur ces missions budgétaires majeures, tout en accueillant Monsieur le Ministre pour sa première audition devant notre Commission.
Il aurait sans doute été utile, Monsieur le Ministre, de vous entendre en amont de la présentation du Budget, mais votre nomination tardive et le calendrier bousculé d’élaboration de ce projet de loi de finances pour 2025 ne l’ont sans doute pas permis. Ou alors, à la Représentation nationale, vous avez préféré d’autres interlocuteurs, réservant votre première sortie de ministre à un syndicat étudiant d’extrême droite, ce qui restera une tache indélébile sur votre ministère.
Comme notre rapporteur pour avis le signale, les crédits en faveur de la Recherche marquent une rupture par rapport à la trajectoire inscrite dans la loi de programmation pour la Recherche (LPR).
Force est de constater que la LPR serait, si nous en restions là, et si le Parlement ne réussissait pas à se faire entendre, la seule loi de programmation qui ne serait pas respectée.
Vous avez évoqué le fait de « préserver le cœur » de cette loi mais, par définition, quand on préserve le cœur on ne se soucie pas des autres organes.
Un tel choix risquerait d’accroître le retard français sur les autres nations scientifiques tandis que la recherche privée, via le Crédit Impôt Recherche non-ciblé, continuerait comme si de rien n’était, sans réelle évaluation, avec un coût quasiment hors de contrôle qui avoisine les 7 milliards d’euros, pour des effets scientifiques qui restent incertains selon la Cour des Comptes elle-même.
Mes collègues et moi-même déposerons donc des amendements afin de corriger les orientations inquiétantes de ce Programme.
Concernant l’Enseignement supérieur et la Vie étudiante, nous constatons également des crédits qui paraissent largement insuffisants au regard des besoins et qui ne prennent en compte ni l’inflation, ni l’augmentation de la population étudiante qui dépassera les 3 millions à la rentrée 2025.
La situation budgétaire de nos Universités est alarmante, j’ai eu l’occasion de le dire au DGESIP la semaine dernière, et nombre d’entre elles sont déjà en situation de déficit. Après un gel de crédits inédit opéré en 2024, les nouvelles augmentations de charges, non compensées, représenteront plus de 500 millions d’euros en 2025 et excèdent largement la capacité budgétaire et financière de l’immense majorité des établissements : la non-compensation par l’État des mesures “Guérini” représente 130 millions d’euros, le relèvement du taux du Compte d’Affection Spéciale Pensions de 4 points représente 180 millions d’euros.
Cette situation, intenable, conduira des établissements à effectuer des coupes drastiques dans les ressources humaines, voire à fermer des sites universitaires dans les territoires, et à arrêter les investissements en matière scientifique, pédagogique, de vie étudiante et liés aux transitions. Voilà le futur universitaire que dessine ce budget !
Là aussi, nous amenderons afin de défendre concrètement nos universités. Et nous le disons, l’hypothèse, évoquée par certains, de l’augmentation des frais d’inscription, est une ligne rouge que nous n’accepterons pas.
Je termine en évoquant la situation de nos étudiants. Le diagnostic est connu et largement partagé, mais là aussi, force est de constater que le compte n’y est pas en termes d’accès au logement, d’accès à une alimentation de qualité, d’accès aux soins au service de la santé physique et mentale des jeunes.
Pour toutes ces raisons, avec mes collègues, nous ne voterons pas, en l’état, les crédits de l’Enseignement supérieur, de la Vie étudiante et de la Recherche.